Les juges européens ont-ils le droit d’enquêter sur Riad Salamé au Liban ? L’arrivée imminente de magistrats venant de France, d’Allemagne et du Luxembourg, suscite une controverse dans les milieux de la justice. |4-1-2023

L’arrivée de magistrats européens prévue à Beyrouth, la semaine prochaine, pour enquêter sur des malversations financières dans lesquelles serait impliqué le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, génère une polémique dans les milieux de la justice. Certains la considèrent comme légale, dans le sens où elle s’inscrit dans le cadre de la Convention des Nations unies contre la corruption, à laquelle le Liban a adhéré en 2008, et l’accueillent même favorablement dans un pays où la politique a miné la justice, limitant fortement son champ d’action. D’autres en revanche la fustigent parce qu’elle constitue, à leurs yeux, une atteinte à la souveraineté libanaise.
La démarche européenne a été annoncée à l’AFP il y a huit jours par un responsable judiciaire qui a précisé que des délégations composées de procureurs généraux, juges d’instruction et procureurs financiers de France, d’Allemagne et du Luxembourg, arriveront à Beyrouth entre le 9 et le 20 janvier, pour enquêter sur des détournements de fonds, enrichissements illicites et blanchiment d’argent. Selon ce même responsable, les autorités compétentes des trois pays ont informé le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, que les investigations concerneront, outre M. Salamé, des responsables de la BDL et des dirigeants de banques.

Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, le 23 novembre 2021 à Beyrouth. Photo REUTERS/Mohamed Azakir
L’arrivée de magistrats européens prévue à Beyrouth, la semaine prochaine, pour enquêter sur des malversations financières dans lesquelles serait impliqué le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, génère une polémique dans les milieux de la justice. Certains la considèrent comme légale, dans le sens où elle s’inscrit dans le cadre de la Convention des Nations unies contre la corruption, à laquelle le Liban a adhéré en 2008, et l’accueillent même favorablement dans un pays où la politique a miné la justice, limitant fortement son champ d’action. D’autres en revanche la fustigent parce qu’elle constitue, à leurs yeux, une atteinte à la souveraineté libanaise.
La démarche européenne a été annoncée à l’AFP il y a huit jours par un responsable judiciaire qui a précisé que des délégations composées de procureurs généraux, juges d’instruction et procureurs financiers de France, d’Allemagne et du Luxembourg, arriveront à Beyrouth entre le 9 et le 20 janvier, pour enquêter sur des détournements de fonds, enrichissements illicites et blanchiment d’argent. Selon ce même responsable, les autorités compétentes des trois pays ont informé le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, que les investigations concerneront, outre M. Salamé, des responsables de la BDL et des dirigeants de banques.
Une source proche du parquet de cassation affirme à L’Orient-Le Jour que l’initiative des magistrats européens est conforme à l’entraide judiciaire édictée par la Convention des Nations unies. Celle-ci stipule en effet qu’un Etat adhérent peut demander une entraide à un autre Etat signataire, afin notamment de « recueillir des témoignages ou des dépositions » ou « obtenir des originaux ou des copies certifiées conformes de documents et dossiers pertinents, y compris des documents administratifs, bancaires, financiers ou commerciaux et des documents de société ». Aucun article de la Convention ne requiert une autorisation de l’Etat sollicité, en l’espèce le Liban, indique la source précitée, soulignant que du fait de sa ratification, la Convention est impérative et doit être acceptée « telle quelle ». Sauf, affirme-t-elle, si une décision politique est adoptée pour empêcher les poursuites européennes…
Justice “humiliée” ?
Un haut magistrat ayant requis l’anonymat estime, au contraire, que l’entraide judiciaire en question doit être rejetée, non pour des raisons politiques, mais parce qu’elle porte atteinte à la souveraineté libanaise. Si ce juge n’est pas connu pour sa proximité avec le gouverneur de la BDL, il craint cependant un dangereux précédent, dans un pays où les ingérences sont légion. « Des juges étrangers ne peuvent exercer un pouvoir public au Liban », martèle-t-il, précisant toutefois qu’« ils peuvent demander à des magistrats libanais de prendre des mesures nécessaires (interrogatoires, saisies…) dans le cadre de dossiers qui les intéressent ». « Quand bien même on est convaincu que Riad Salamé est impliqué dans des affaires financières, il n’en reste pas moins qu’aucune justice étrangère ne doit enquêter indépendamment de la justice libanaise sur le sol libanais. Sinon, ce serait humilier et bafouer la justice au Liban », insiste-t-il, mettant en garde contre « un dangereux précédent » qui amènerait d’autres Etats à instruire au Liban des affaires les concernant. « Qu’on ne crie pas au scandale si la Syrie ou l’Iran agissent de même en déléguant leurs magistrats », s’exclame-t-il.